OUT of Kenya
Tranches de vie d´une famille franco-espagnole
partie s´installer dans le Mara
Premières sensations
Difficile de résumer 5 semaines en Afrique. Les mots ont beau être les mêmes: un village, une rue, un "centre commercial" mais la réalité est tellement différente. Le bordel et la vie qui grouille, les sourires le long des trottoirs défoncés, les accolades sur les ordures étalées. Des images fortes d´enfants faisant la manche, pieds nus sur l'autoroute, noirs au delà de leur peau auxquels ont arrache si facilement un sourire contre quelques galettes. Des vagabonds dormant sur les ordures, des marchés sur le sol, entre la pollution et les trottoirs défonces quand ils existent où une banane s'échange pour 10 centimes.
Et des 4x4 de luxe qui circulent au milieu de cette vie en ébullition et des embouteillages quasi permanents, sous le regard indifférent de la rue, sans une once de rancœur ni d'agressivité. L'entraide, la cordialité sincère et la débrouillardise partout, ces réflexes que nos sociétés du confort et d'opulence nous ont fait oublier.
Le bruit du vent, des animaux qui nous entourent, des hyènes qui rigolent parce qu’elles ont mangé, des grenouilles qui chantent comme des oiseaux, des zèbres que la présence humaine rassure pendant la journée. Et ces éléphants qui défoncent les arbres pour manger plus facilement leurs feuilles. Quatre lionnes qui dorment à l'ombre d'une aile d'avion sur la piste d'un aéroport qui n'est pas plus que cela: une piste en terre rouge entre les herbes.
Les gens heureux comme des enfants partout et des bébés qui pleurent quand un muzungo à la peau blanche s'approche de trop près. L'humour simple et communicatif. Pole pole, tout va bien même quand le sort s'acharne sur ton vieux 4x4, qu'il crève, cale et ne redémarre pas la nuit tombée, dans le noir le plus absolu d'une région sans ville, ni électricité d'une nuit sans lune. La patience est mère de toutes les vertus parce que c est la seule que peut s'offrir le pauvre et celui qui, malgré ses poches pleines ne peut trouver les solutions, le confort et le service dans un pays où ils n existent pas encore.
Et plein de premières fois: la traversée d'une autoroute à pied, la conduite d'un 4x4 plus lourd qu’un camion sur pistes défoncées, les premières corruptions subies ou provoquées, un contrôle technique passé avec succès malgré l'absence du véhicule, la traversée de bidonvilles, le coucher du soleil sur le Kilimandjaro et les ballades au milieu des prédateurs indifférents.
Nous bossons comme des fous avec Ana – principalement à Nairobi pour le moment car il s´agit de sélectionner les fournisseurs (comprendre négocier les prix, de décider des plans du campement avec les autres actionnaires, de mettre en place la société juridique, de régler (ou plutôt essayer de résoudre) les problèmes administratifs, d´acheter les matériaux pour la construction des zones communes, de la plomberie, l´électricité solaire et l´ameublement des tentes, des réparations à répétition du tout terrain, … et je m´arrête là de peur d´ennuyer jusqu´au lecteur pourvu de la meilleure volonté.
Nous nous adaptons sans difficultés à la vie sur Nairobi : Lucas va à l´école moins content qu´en Espagne mais il a appris à bosser pour de vrai et compense avec la piscine de l´urbanisation après les cours. Nous arpentons en large et en travers la ville à pied ou en matatu (minibus local qui semble avoir été baptisé par les Espagnols) à la recherche de fournisseurs dans le bordel ambiant (un détail tout con : les bâtiments n´ont pas de numéro à Nairobi et sachant que les villes modernes (ou plutôt de développement relativement récent) ne mégotent pas sur la taille des rues, cela complique sérieusement les recherches. Le tout avec quelques moments d´inquiétude à la clé (la foule et la pression ressentie lors de la traversée du plus gros marché à ciel ouvert de Nairobi et des stations de bus qui n'ont en commun que le nom avec leurs homologues européens) et une grosse peur pour Ana qu´un taxi (une voiture en mauvais état conduite par un étudiant en quête de financement) envoie contre un mur de l´autre côté de la route dans une courbe trop rapide pour le niveau d´entretien des freins du bolide.
Je quitterai sans regret la jungle nairobienne d´ici quelques jours une fois que le tank japonais répondant au doux nom de landcruiser sera réparé. Commencera alors le «vrai travail»: terrasses, fosses sceptiques, construction d'une nouvelle cuisine et d´un restaurant, bref pas de la déco de petit joueur.