OUT of Kenya
Tranches de vie d´une famille franco-espagnole
partie s´installer dans le Mara
Jusqu´ici tout va bien
L'Afrique ou cette étrange sensation de que tout peut empirer très rapidement mais que les choses finissent toujours par s'arranger en fin de compte comme par miracle. Perdu dans le noir du Mara, une nuit sans lune, sans autre repère visuel que l´arbre suivant éclairé par les phares de mon tout terrain, je tourne en rond pendant presque deux heures. Comment trouver une piste n'apparaissant sur aucune carte, aucun GPS, entre les multiples traces de pneu, sans indication, ni pancarte, sans lumière extérieure et pour seuls témoins les animaux omniprésents mais peu causeurs.
Et moi qui croyais m’être perdu avant ce soir là... Mais quand l'espoir se fait la male, apparaissent du néant deux marcheurs qui nous remettent sur le droit chemin et en profitent pour me demander du travail.
Ou quand notre premier camion de transport s'enfonce dans la boue de la piste défoncée. Les Maasais accourent avec pelles et pioches dans le fol espoir de déterrer un 10 tonnes à la main. Qu'ils échouent n'est pas un problème car ils proposent aussitôt d'utiliser le tracteur du voisin, c'est d'ailleurs leur meilleur ami. Un ami trop gourmand qui s'avère être en fait l'homme le plus riche du village. Trop riche probablement ou plutôt pas assez car il demande 50€ pour mettre en route son tracteur. Qu'à cela ne tienne, un autre "ami" encore plus riche et possédant des tracteurs encore plus gros et surtout moins gourmand est à 20mn de route. Nous voilà repartis en sens contraire, une équipée sauvage improbable composée d'un tout terrain tentant de suivre le rythme d'une moto passe-partout cheveauchée par deux Masai en quête d'un pourboire entre les champs de mais et les pistes détrempées. Et Lucas qui rigole à mes côté.
Le transport est un problème majeur au Kenya et un frein à son développement. Les routes quand elles sont goudronnées sont souvent défoncées par les camions surchargés qui impriment leur traces de pneu comme sur du sable humide. De nombreuses routes principales sont en terre. Les policiers ne sont pas là pour aider le trafic mais plutôt pour contrôler le leur, celui de la corruption à ciel ouvert. Alors beaucoup de camions voyagent de nuit pour éviter les barrages. Pour les courts trajets, la pause déjeuner est le meilleur moment pour passer au travers des contrôles policiers. Les Blancs sont des cibles de choix, surtout quand ils voyagent dans un vieux 4x4 rouillé. Les menaces indirectes sont plus subtiles (j’ai appris pour l'accident de votre employé... mais nous sommes là pour nous entraider donc je ne vais pas vous sanctionner.. j'ai d'ailleurs un fils qui voudrait travailler dans votre campement), les directes souvent grossières (donne moi 50€ ou je t'envoie au tribunal) mais le sourire, la détermination et la patience sont les meilleures armes qui découragent jusqu'au plus corrompu des policiers.
L'Afrique malgré tous ses travers ne cesse de surprendre: ce policier qui m'arrête pour se faire déposer 500m plus loin... non sans essayer d'obtenir un euro au passage (car il n´en a jamais vu). Ce grand père Masai qui après que je l´ai pris en auto-stop me crache dans la main en signe de reconnaissance. Mes employés qui viennent tour à tour me remercier de leur donner du travail et surtout une illusion grâce à ce nouveau projet qui est aussi le leur. Cette nature partout présente et dominante: ces pluies torrentielles qui arrêtent le temps, clouent les voitures au sol, vous rappellent l'insignifiance de la nature humaine devant les éléments et mouille pour de vrai faute d'abris en dur. Ce coiffeur du village qui pas me prend en photo avec son portable une fois la coupe terminée : son premier muzungu! Et ces enfants partout présents qui ne savent pas pleurer, partagent bonbons et galettes naturellement sans qu'un adulte n'ait besoin d'intervenir et s'approchent avec un mélange de crainte et d'éblouissement du blanc plus poilu que leur papa.
Le projet avance à grand pas, entre deux transports chaotiques entre Nairobi et le Mara. La cuisine et le nouveau restaurant sont construits, le plombier tire ses tuyaux depuis hier et les tentes sont prêtes à être installées à partir de demain. Le camp est un vaste chantier, entre tranchées ouvertes, bois coupé, pierres, tas de sable et pots de vernis. Une aire de jeu pour Lucas qui s'imagine des châteaux forts et monte dans le 4x4 pour nous "aider" à charger du sable.
Et les animaux qui nous regardent. Venus par milliers depuis la Tanzanie, ils assiègent littéralement le campement et n'attendent que les touristes...et un campement pour les recevoir.