Les hyènes sont partie intégrante de la vie dans le Mara. Bien plus nombreuses que les lions, elles pullulent tout autour du campement – 80 selon notre dernier recensement dans la seule Gorge dite du « Léopard» à 1km de là. Pas une journée sans que nos clients nous demande de quel animal proviennent ces excréments blancs si caractéristiques qu’ils croisent autour du campement. Pas une nuit sans que nous entendions leurs cris de ralliement et que nous les voyions lors de nos marches nocturnes organisées pour nos touristes en quête d’adrénaline. Pas un matin sans que nous trouvions éparpillés aux quatre vents les crânes d’animaux décorant notre parking que les hyènes affamées tentent en vain de broyer pendant la nuit.
Les attaques sont monnaie courante dans la vie des Maasais car contrairement aux idées reçues, les hyènes chassent - de manière désordonnée et opportuniste certes - mais elles sont tout de même responsables de la plupart des attaques de bétail et parfois même des jeunes enfants. Elles quittent généralement leur terrier en fin de journée en quête d´une proie à leur portée (un animal domestique égaré, un jeune Impala, une gazelle de Thomson, ..). Une fois leur cible repérée, elles se lancent sans même prendre la précaution d´une approche discrète à l´apanage des « vrais » prédateurs. Et si elles parviennent à rattraper leur proie, elles mordent tantôt au visage pour aveugler l’animal tantôt au bas ventre qui présente le triple avantage d’être facilement atteignable, d´être suffisamment mou pour que leurs crocs se plantent avec facilité et de provoquer des blessures irréversibles - un animal à l’intestin ouvert n’a aucune chance se s’en sortir. La dégustation commence l´animal encore vivant dont les cris de douleur ne parviennent pas à ralentir l’incroyable travail de destruction d’une mâchoire qu’on dit être la plus puissante des carnivores africains. Si l’on ajoute leur avidité sans limite (une seule hyène tuera tous les moutons d´un troupeau si elle en a l’opportunité bien au-delà de ses nécessités), on comprend facilement pourquoi les hyènes sont les animaux les plus détestés du Mara.
Adrian s´ingénia à me démontrer le lendemain de mon arrivée à Kandili que les hyènes en petit nombre ne sont pas une menace pour l´homme adulte. Arrêtant la voiture à côté de deux spécimens tranquillement couchés sur le sol devant notre pompe à eau, il sauta hors du véhicule et les fit fuir comme des chiens peureux avant même que je puisse penser à refermer la porte du véhicule par sécurité.
Mais toutes les histoires ne sont pas toujours aussi cocasses. Quelques jours avant le sauvetage in extrémiste d´un veau perdu dans le noir (cf. « Poursuite dans le noir »), des hurlements attirent notre attention sur une plaine parsemée de moutons et de chèvres aux abords de Mara Rianda. Difficile d´imaginer tant de sauvagerie au milieu de cette paisible carte postale pastorale de fin de journée baignée par la lumière orangée d’un soleil sur le point de se coucher: une hyène est en train de dévorer un mouton isolé. Nous fonçons vers l´agresseur qui ne tarde pas à lâcher sa proie effrayé par l´assourdissant bruit du moteur de 6000cc du Landcruiser. Mais il est déjà trop tard, le mouton en état de choc tremble comme une feuille au vent, le visage en sang, la chaire à vif et un œil sorti de son orbite. Le sort du pauvre animal ne fait pas de doutes et nos caresses et lamentations lui offrent peu de réconfort.
La hyène meurtrière qui avait ralenti son allure en nous voyant descendre du tout terrain finit par s´arrêter et regarde la scène avec désolation. Quelques cris rageurs de mes accompagnateurs Maasais la font définitivement partir. Les ascaris des autres troupeaux alentours étonnamment passifs jusque là nous indiquent le nom du propriétaire de la bête. Cinq Minutes plus tard nous la déposons devant chez lui toujours tremblante.
Une mama Maasai s´approche presque indifférente, confirme que c´est bien son mouton et repart sans plus de cérémonie ni commentaire comme s´il s´agissait d´un événement normal, laissant le pauvre animal à sa souffrance. Surpris par son attitude - à moins qu´il ne s´agisse de timidité ? - et curieux du sacrifice à venir, nous décidons de rester pour voir la suite des évènements. Mais la vie des animaux n´a que peu de valeur dans un Mara dominé par un fatalisme qui laisse tout juste l’opportunité de pleurer les humains. Et nous repartons 20 minutes plus tard sans connaître le fin mot de l´histoire et avec cette désagréable sensation que dans l´échelle de la cruauté terrestre les hyènes ne sont pas nécessairement les premières.
Bonne nuit les citadins !
Nos voisines en action dans la Réserve Nationale du Maasai Mara
C´est mignon quand c´est petit...
Reste de festin aux abords du campement
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