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Un cadavre dans notre jardin


Aujourd’hui, un topi mâle est venu mourir près du campement. L´animal est superbe, racé et si ce n´était pour ce ventre gonflé signe des premiers effets de décomposition, il paraitrait puissant et en pleine possession de ses moyens. Ce sont les risques de la polygamie, la reproduction à un prix: la défaite du plus faible, souvent synonyme de mort, pour que le plus fort gagne le privilège de se reproduire avec un large troupeau de femelles tant qu´il sera capable de contenir les attaques de ses pairs avides de prendre sa place.

Une fois la nuit tombée, nos voisines les hyènes se ruent sur l´aubaine et nous gratifient d´une cacophonie de ricanements fruits de leur excitation et de cris répétitifs pour rallier le reste groupe et les inviter au festin. Dans ce bordel ambiant disputé et bruyant comme une place un jour de marché, les hyènes affamées ne tardent pas plus de 20 minutes pour finir la pauvre bête dans un mélange de poils, d´os broyés, de boue et de chaire rouge sang. Spectacle cruel et splendide à la fois dans le noir de la nuit déchirée par les feux de notre landrover.


Dans l'après-midi, une tempête de grêle - extrêmement rare sous nos latitudes - nous annonçait que cette journée allait être mouvementée. La réserve du Masai Mara s'était couverte de blanc en quelques minutes sous un ciel noir de fin du monde. Les projectiles de glace gros comme des balles de golf bombardaient les tout terrains avec brutalité ; faisant perdre de leur superbe aux touristes qui se croyaient préparés pour l’aventure en tenue de safari beige aux multiples poches vides et armés de leur téléobjectifs disproportionnés. Désagréable leçon d´humilité et de respect de la Nature coincés dans des véhicules dérapant dans les torrents de glace et de boue mélangées et maladroitement isolés par des toiles de ripstop se gonflant comme des voiles sous les assauts des bourrasques.


Hakuna matata. Plus d´un véhicule s´embourba cette après-midi là mais les touristes finirent par regagner leurs luxueux logements frigorifiés, mouillés mais heureux de retrouver la sécurité et le confort du dieu béton. Et les herbivores aux sens diminués par le bruit de la pluie intermittente, la forte odeur de boue et l‘obscurité d’une nuit nuageuse, nourrirent les carnivores plus que de coutume.


A Kandili Camp, une hyène arrivée tardivement au festin arrache la tête du reste de la carcasse du Topi dans un craquement sec. Bien décidée à ne pas partager ce frugal repas, elle s’enfuit le trophé solidement coincé dans sa gueule entre les cris mous de protestations de ses congénères déjà repues. Le tout sous nos yeux émerveillés de gosses des villes découvrant la vie sauvage.


Bonne nuit les citadins !


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